Raven - Chapitre 14

Auteur : gag_jak

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Note : Coucou, vous vous y attendiez pas hein ? Ou plus ? Moi non plus à vrai dire.
Je me doute qu'à l'heure actuelle, beaucoup auront oublié, ou beaucoup s'en fichent de la suite. Je peux pas vous en vouloir quand le chapitre précédent a été publié le 17 Octobre 2009. Le site a bien bougé, beaucoup de mes lecteurs ont désertés, je ne vous en voudrais pas de ne pas avoir envie de lire à présent.
Mais si toutefois vous vous lancez dans la lecture, sachez que ce chapitre est plus court que les précédents, car je voulais le publier maintenant. La suite sera plus palpitante, et j'espère qu'elle arrivera relativement prochainement.
N'hésitez pas à être supers critiques si vous lisez, vous avez le droit de dire que c'est tout pourri.
Que vous lisiez ou non, je vous embrasse,
Cordialement,
Gagou

- Petit résumé des épisodes précédents : Raven est un criminel recherché dans la galaxie, c'est un méchant psychopathe super violent qui tue des innocents (et vous aimez ses aventures, ayez honte). Il a des capacités trop cools comme pouvoir se rendre invisible ou courir très très très rapidement. Cependant, la puce qui lui permet de se rendre invisible faiblit et l'épuise considérablement. Raven est accompagné de Lange, une humaine. Ce petit duo traque leurs pères respectifs. Le père de Raven, Slim, a tué sa mère, et du coup Raven est pas content et crie vengeance. Le père de Lange, Marshal, est un collègue de Slim qui a tenté de tuer sa fille. Pourquoi ? Personne ne le sait. En tout cas, Slim était en prison au début du chapitre 9 car la police pensait qu'il était l'auteur des crimes de Raven, puisque les deux se ressemblent genre beaucoup beaucoup, mais Slim s'est évadé au milieu du chapitre 9 (pour mieux aller défoncer la gueule de Raven à la fin du chapitre 9, décidemment ce chapitre est plein de rebondissement). Dans le chapitre 11, le père de Lange a été emprisonné. Raven et Lange décident donc d'aller sur la planète Reez, une planète polaire, sur laquelle les deux pères auraient une base secrète. Mais cette entreprise est risquée… vont-ils tomber sur Slim ? La base sera-t-elle piégée par un détecteur de chaleur qui dégommera Raven même s'il est invisible ?
Actuellement, les deux sont dans l'appartement d'un criminel nommé Hob. Ils le retiennent captif, et se serve de son appartement comme couverture (vu que toute la galaxie les recherche). Ayant très très peur, Lange est venue chercher du réconfort auprès de Raven et lui a avoué qu'elle l'aimait, et du coup à la fin du chapitre 11 notre joli petit duo était devenu un petit couple, s'endormant en s'embrassant. C'est y pas mignon ?
Voilà, on en était resté là. Et on sera pas beaucoup plus loin à l'issu de ce chapitre. Mais bon. C'est mieux que rien non ?

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Chapitre 12
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« J’ouvris les yeux difficilement. Le sommeil m’aspirait encore dans ses tréfonds, m’obligeant à lutter frénétiquement pour m’en dégager, pour émerger dans une réalité qui n’avait rien de réel. J’étais couché sur le dos, allongé dans mon lit comme toujours, mais cette fois tout était différent. La distinction entre cette réalité et celle des songes était difficilement cernable, et plus d’une fois je me trompai en pensant que j’en étais toujours prisonnier. La réalité avait tout d’un rêve. Chaque image qui m’apparaissait semblait déformée selon les désirs d’une puissance immatérielle folle. Ces images ne pouvaient être vraies, elles étaient improbables, impossibles. Un tel cauchemar ne pouvait trouver sa place dans ma réalité.
Lange se trouvait là, elle était allongée sur moi, je la serrais dans mes bras. Tout était différent. D’un seul coup je venais d’entrer dans une « relation amoureuse ». Un état dont le simple terme me dérangeait. Le pire était que tout était de ma faute. Je ne pouvais même pas dire qu’elle avait été la force intérieure qui avait guidé mes actions, qui m’avait poussé à agir, qui m’avait fait faire cela ! Tout ce dont je me souvenais c’était qu’une intensité remarquable m’avait enveloppé. Une intensité qui avait emprisonné mon esprit, qui avait exercé sa domination sur lui, qui avait esclavagé mes pensées et mes actions pour me faire dire et faire ce que jamais je n’aurais osé songer dire ou faire. Tout cela m’aurait paru être de la simple stupidité : des lubies sentimentales et pathétiques, des niaiseries inutiles comme on en trouve dans les holofilms et les romans ridicules, dans le simple but de mieux accrocher son public en usant d’un stratagème marketing qui fonctionne à tous les coups. Pour peu, j’avais l’impression de me retrouver dans un livre mal écrit, où l’auteur en manque d’idée aurait inventé et sorti de nulle part cette « relation amoureuse » pour raviver son récit en écrivant ce passage qui, jusqu’à preuve du contraire, était totalement opposé à ma personnalité. Car vraiment, comment est-ce que moi, moi qui n’éprouvais rien de plus que de la haine depuis la mort de ma mère, moi qui prenais un plaisir malsain à causer le mal, qui jouissais de la souffrance des autres ; comment est-ce que j’aurais pu prendre cette fille dans mes bras pour l’embrasser sincèrement ? Comment aurais-je pu faire ceci ? Ce pas en avant sur un sol que je savais friable et qui ne manqua pas de s’écrouler sous mes pieds pour me punir de mon imprudence, pour me faire tomber dans un piège se refermant autour de moi, dans cette « relation amoureuse » ? Non, vraiment, quelque chose n’allait pas.

Je ne me reconnaissais pas. Je n’étais pas de ceux qui éprouvaient des sentiments heureux, ni de ceux qui auraient agi de la sorte pour profiter des charmes d’une fille amoureuse. Où me trouvais-je dans ce cas ? Etait-ce une simple pulsion… ? Au moment de l’embrasser, j’ai su que je le voulais vraiment, ça avait été comme une évidence. Comme si c’était ce qu’il me fallait. Et ce fut le cas. Je l’avais embrassée une première fois, puis à plusieurs reprises dans le courant de la nuit, nuit durant laquelle nous avons fini par nous endormir ensemble. Et je m’étais senti bien, mieux que jamais, ou en tout cas mieux que depuis trop longtemps. Mieux que depuis le commencement de ma nouvelle vie, celle qui débuta la nuit de la mort de ma mère. Oui, il fallait le dire : je m’étais senti bien. Cela avait tout d’un miracle inespéré.
J’aurais pu en être heureux, j’aurais pu être niais, complètement passionné ou épanoui, mais je n’étais rien de tout cela. Non, j’étais troublé, déstabilisé, et même anxieux. J’avais peur de la sensation de bien-être qui m’avait envahi, d’elle et de ce qui l’avait fait naître. J’avais l’impression d’avoir été sous l’effet d’un charme qu’elle m’aurait lancé. Un envoutement qui avait pris le contrôle de mon corps, un sortilège qui m’aurait poussé à entrer dans son univers sentimental où je n’avais strictement rien à faire, dans cette « relation amoureuse » où je n’avais pas ma place. D’ailleurs, étais-je amoureux, moi ? Cette simple question me faisait rire, et me fait encore rire aujourd’hui. Ces réflexions sont très adolescentes, et reflètent parfaitement cette recherche identitaire que l’on traverse à cet âge. J’étais presque une caricature, et je ne m’en rendais même pas compte. Une nuit de baisers et déjà mon esprit cataloguait ça en tant que relation de couple… Cette simplicité n’est-elle pas mignonne ? Mais non, je ne pensais pas être amoureux. Je me sentais juste attaché à elle. Mais elle… elle m’aimait.
Aussi, j’étais effrayé. J’avais embrassé cette fille, oui… et maintenant ? Qu’allais-je faire ? Cette interrogation se promenait le long des rouages de mon cerveau. Qu’allais-je faire avec elle ? Fallait-il officialiser le couple ou y mettre dès à présent un terme ? Chacune des deux initiatives me mettait mal à l’aise.

Je ne trouvais pas de réponse à mes tourments. Mais je la regardais… J’avais ma main dans ses cheveux. Elle était assoupie, le visage serein, et serrait mon autre main dans une des siennes. Je l’écoutais respirer, la regardais se mouvoir légèrement dans son sommeil, contemplais son visage doux et tranquille, l’expression qu’elle affichait, sa bouche, ses paupières closes, ses cheveux détachés, la moindre finesse de ses traits… Je la contemplais, ne voyant rien qui pouvait la rendre moins magnifique. Son physique si pur me fascinait. Elle était vraiment belle. Elle, une humaine, une des dernières représentantes de sa race. Une humaine, une si belle humaine qui l’était encore plus à cet instant précis. Elle avait l’air heureuse, juste… heureuse. L’avais-je déjà vu ainsi ? Probablement pas. Mais à cet instant elle l’était, et elle l’était grâce à moi, grâce à cet amour qu’elle avait et qu’elle pouvait enfin déployer. Et cela la rendait bien. Et moi, et moi…
Et moi j’étais paumé dans un monde où je ne connaissais rien. Mon domaine c’était la violence et les meurtres, que venait foutre l’affection ici ?! Pour moi l’affection ressemblait plus à une étrangère à exiler plutôt qu’à quelque chose qui avait sa place dans mon univers. Elle pouvait me rendre bien, mais elle pouvait surtout m’apporter de nombreux tourments et prendre le dessus face à ce qui était véritablement important, comme la traque de mon père. J’avais peur de l’effet qu’elle pouvait avoir sur ma vie, peur de ce qu’elle pouvait créer et de la direction dans laquelle elle pouvait me mener. Loin de l’affection, de l’amour et de toutes ces conneries ma vie suivait un fil directeur que je maitrisais. Un fil conducteur sombre mais qui au moins me correspondait. J’avais accepté ma vie et m’en satisfaisais. Je n’avais pas besoin de bonheur. Mon bonheur était l’absence de bonheur.
Mon bonheur mourut en même temps que ma mère. A présent il ne faisait plus parti de mon existence. Je ne savais plus comment être heureux, et je ne connaissais de l’amour que les quelques connaissances théoriques de bases. Evidemment, la veille, mon incompétence avait vite pris le dessus : je n’avais su réellement quoi faire, et m’étais laissé guider par elle pour qui cela semblait naturel. Malgré ce qu’elle avait pu vivre, ses rêves de jeunes filles n’avaient jamais dû s’éteindre, car elle avait vécu cela dans la plus profonde magie amoureuse. Cela s’était limité à des embrassades – encore heureux – mais mes gestes étaient restés hésitants, artificiels. Je m’étais senti extérieur, comme si je n’avais pas été présent, comme si ce n’était pas moi qui l’avais vécu. Cette sensation avait été agréable, mais je redoutais qu’elle ne soit qu’illusoire. Il n’y avait pas de place pour l’amour dans ma vie. Je ne vivais que pour traquer mon père, c’était un besoin dont je ne pouvais pas m’éloigner, une obsession qui me nourrissait, qui me poussait à vivre encore plus longtemps. C’était mon but, mon crédo. Ce n’était pas compatible avec le bonheur, et encore moins avec l’amour. Ce n’était pas ma vie. Ce n’était pas moi.

La suite logique à cette réflexion serait la destruction immédiate de toute cette affection, de ce danger qui s’infiltrait dans mon existence. Mais je ne pouvais détruire Lange. Elle était tout ce que j’avais. J’avais passé mon temps à changer de manière de vivre, de logement, d’occupation, même mes armes n’étaient jamais les mêmes… Mais Lange était là, et elle allait rester là. Elle était ce que j’avais de fixe, ce qui survivrait à tout ce qui allait encore changer par la suite. Je m’étais attaché à elle. Elle faisait à présent parti de ma vie.
A la vérité, quand je la regardais dormir, derrière ma peur se cachait un certain bien-être. Et même si c’était assez dur à avouer, j’avais besoin d’elle. D’elle, juste d’elle. Pas de son amour ni de toute son affection. Sa présence me rassurait, mais au fond peut-être qu’elle n’était que ça pour moi : un antidépresseur vivant. Triste réalité.

Elle remua doucement les doigts et dans un geste tendre glissa sa main jusqu’à mon visage et le caressa. Ses paupières s’ouvrirent, me laissant profiter des deux éclats vert émeraude qu’elles recouvraient. Elle sourit en me voyant ainsi absorbée par chacun de ses gestes. Elle avança son corps de manière à venir m’embrasser la joue. Elle le fit encore, encore et encore, se rapprochant de mes lèvres où elle s’arrêta pour y déposer un fatidique long baiser. La douceur de ses doigts vint se perdre dans mes cheveux, tandis qu’elle plongea un regard amoureux dans le mien. J’étais partagé entre bien-être et malaise, entre une chaleur aussi effrayante que fulgurante et un effroi qui me pétrifiait. Sur son visage on ne pouvait lire que la joie, je m’inquiétai alors de ce que l’on pouvait lire sur le mien. Je me sentais risible d’être autant mal à l’aise, moi qui brillais usuellement par mon assurance. Mon corps ne me répondait plus, j’étais soudé au lit par l’appréhension. Elle appuya son nez contre le mien et m’embrassa à nouveau. J’étais tellement confus que je la laissais faire et lui rendais ses baisers. Elle approcha sa bouche de mon oreille et me souffla qu’elle m’aimait. Et dire que dans une autre vie, j’aurais pu en être heureux… Cette déclaration aurait fait battre mon cœur d’un bonheur sans égal. Mais dans cette vie il ne le pouvait pas, il ne le pouvait plus. Mes démons me hantaient. Mon père aussi disait à ma mère qu’il l’aimait, mais mon père avait fini par lui trancher la tête. Et même si elle m’aimait, quand je fermais les yeux je revoyais la tête de ma mère tournoyer avant de toucher le sol dans un bruit mat. Je ne pouvais pas me sentir bien dans une telle situation de niaiserie qui réveillait cela en moi, il fallait que cela cesse, il me fallait un miracle. Et étrangement, il survint.
Soudain le propriétaire de l’appartement se mit à hurler depuis la pièce dans laquelle il était enfermé. Lange sursauta et j’en profitai pour me dégager de son emprise. Le prisonnier continua d’hurler sans s’arrêter, comme il le faisait régulièrement. Même si en l’occurrence il m’était très utile, je ne pouvais m’empêcher d’éprouver une profonde exaspération quant à ses plaintes continuelles. Je sortis du lit en trombe sous le regard décontenancé de Lange, probablement déçue de l’arrêt brutal de ce moment amoureux. Elle pouvait l’être, mais dans tous les cas l’heure n’était pas à l’affection, il allait falloir se préparer à décoller pour la planète Reez. Il fallait poursuivre notre quête vengeresse.
« Je vais le faire taire – lui dis-je, comme pour répondre à son regard. » Elle écarquilla les yeux et fit un geste comme si elle allait dire quelque chose, mais c’était trop tard, j’avais déjà quitté la pièce.
Ah ! Voilà que je me sentais bien ! Voilà que j’étais à nouveau moi ! La perspective d’aller régler son compte au plaintif m’emplit d’adrénaline. Le plaisir affluait déjà.

J’ouvris à la volée le cagibi dans lequel était confiné notre hôte, le criminel peu connu Hob. Il était là, lié pieds et mains à sa chaise, le menton relevé vers moi en signe de défi, un air de satisfaction sur le visage. Inlassablement il continuait de s’égosiller, comme tous les jours, quand bien même cela fît maintenant un moment que nous le retenions. Je ne supportais plus d’entendre chaque jour le même cri alors qu’à chaque fois je l’interdisais de recommencer. Je ne savais pas s’il espérait vraiment que je le délivre en procédant ainsi.
« La ferme ! » Mon poing s’abattit sur son crâne. Son visage était déjà pas mal abimé. Heureusement pour lui, Lange le soignait du mieux qu’elle pouvait. Je lui ôtais son bâillon.
« Qu’est-ce que tu veux ?
- Je veux bouffer bordel ! Je crève de faim !
- Te regarder dépérir m’amuse mieux. » Son regard était plein d’un mépris que je savais mériter.
« Tu n’es qu’un fou – cracha-t-il ».
Je serrai les poings. Je n’avais pas envie de faire preuve de patience. A cette heure-ci, c’était un besoin pour moi de laisser s’exprimer mes pulsions. Je le saisis par le col et le balançai en arrière. Il tomba vite, entrainant sa chaise avec lui. Il scanda une plainte aiguë quand sa tête heurta le sol. Je défis ses liens à l’aide d’une petite lame se trouvant dans une de mes poches. Je le relevai et lui envoyai un coup de genoux dans l’estomac. Profitant de ce qu’il fût plié en deux, je lui tirai les cheveux et lui encastrai la tête dans le mur à deux reprises. Il s’affala sur le dos. Le nez et l’arcade sourcilière en sang, il eut encore l’effronterie de rire.
« Toujours cette violence – ricanait-il – Encore… Tu frappes sans raison… » Il toussa « Sans raison, juste par envie.
- Erreur – corrigeai-je – aujourd’hui j’ai une raison. Je vais mettre fin à tes jours.
- Si tu me tues… Tu es un homme mort – siffla-t-il – Tu as besoin de moi pour donner des signes de vie à mes collègues, sinon ils viendront ici dans cet appartement. Je pense même qu’ils ont des doutes… » Son insolence m’emplit d’une envie de le tuer sur le champ, en même temps qu’elle me donna envie de rire à mon tour. Il croyait pouvoir me menacer et en jouait… Il riait, osait rire pour mieux se croire intouchable, pour se détacher de l’horreur de sa situation. Un sourire sarcastique se dessina sur mon visage. Qu’est-ce que j’aimais ces moments… Je le saisis violemment par la gorge et le relevai.
« Aujourd’hui nous quittons ton appartement – lâchai-je – tu ne me sers plus à rien. J’avais besoin de toi c’est vrai, et c’est ce qui m’empêchait de te tuer. Mais maintenant, maintenant… » Je faisais mine d’hésiter, juste pour jouer avec lui, mais son sort était scellé. Il devint livide. Cela me fit encore plus sourire. J’adorais lire la frayeur sur les visages de mes victimes, cette angoisse du moment où elles comprenaient qu’elles allaient en finir avec la vie, ce moment où leur cœur s’affolait et où leur respiration perdait toute logique. Je me préparai à lui enfoncer la lame dans l’abdomen. Je pouvais déjà deviner quel serait son cri lorsqu…

« Raven, arrête ! » Ma tête se tourna en direction de Lange. « Arrête – reprit-elle – ça ne sert à rien ».
J’étais abasourdi, complètement estomaqué. Je n’osai croire ce qui se déroulait sous mes yeux. Je lâchai mon captif et m’avançai vers ma « compagne ». Ses yeux étaient graves, accusateurs. Je n’en revenais pas. Elle osait s’opposer à moi ? Elle osait me donner un ordre ?! J’étouffais un petit rire de dédain.
« Je suppose que tu plaisantes, n’est-ce pas ? – fis-je d’un ton calme – Tu n’oserais tout de même pas m’empêcher de le tuer… Je me trompe ? » J’avançai d’un pas lent. Au début elle resta fière, puis elle se mit à faire quelques pas en arrière, fuyant mon approche.
« Raven… C’est juste que tu n’es pas obligé de tuer… Relâche-le, il a assez enduré jusqu’à maintenant… » Sa voix tremblait un tout petit peu mais ce détail ne m’échappa pas. Elle était moins sûre d’elle. Heureusement. Mais à quoi pensait-elle ?! Qu’être dans une « relation amoureuse » avec moi lui donnait des privilèges ? Qu’elle avait à présent des droits sur moi ? Qu’elle pouvait me donner des ordres ?! Je ne supportais pas ce comportement, mais fis néanmoins l’effort de garder mon calme. Je savais comment j’étais une fois en colère, et redoutais ce que je pourrais lui faire dans cet état. Je baissai la tête.
« Non – sifflai-je entre mes dents – non, je ne suis pas obligé, comme tu dis. »
Elle déglutit et s’arrêta de reculer. Elle voulait être fière, elle voulait être forte, elle ne voulait pas montrer ses craintes, ni ses tristesses. Comme moi, elle avait reçu une éducation d’honneur. Nos pères avaient les mêmes valeurs. « Rien ne m’y force – continuai-je – mais tu n’as toujours pas compris que j’en avais envie, hein ? Tu n’as toujours pas compris que tuer ne me dérange pas, et que pire encore, ma haine intérieure m’y force ?! » Mon ton était de plus en plus sec, de plus en plus méchant. J’étais juste devant elle à présent. J’inspirai profondément. Malgré mes efforts je bouillonnai de colère au fond de moi, et une rage vive me suggérait de lui coller mon poing dans la figure pour qu’elle comprenne le fin mot de ma réflexion. Elle refusait de me regarder dans les yeux, elle n’aimait pas mes crises de colère.
« Regarde-moi… – murmurai-je sèchement ». Elle n’en fit rien. Je fus obligé de la saisir par le menton pour la force à plonger son regard dans le mien. « Regarde-moi ! Regarde mes yeux ! Tu les vois ? Tu sens leur colère t’envahir ? Vois dans mes yeux ce plaisir de tuer ceux qui me déplaisent. Tu vois ma folie, tu la vois ? Ca, c’est l’être que tu dis aimer. Ca, c’est moi, Raven. Je n’en suis pas un autre. Je te l’ai déjà dit… si tu veux rester avec moi, tu dois m’accepter comme je suis. Si tu m’aimes, tu le dois d’autant plus. » Je la repoussai avec force. « Tu ne me changeras pas… Je te l’ai dit, je suis mauvais. Ne t’avise plus de m’ordonner quoi que ce soit. Tu n’as rien à m’ordonner. » Je vis dans ses yeux naître des larmes qu’elle ravala instantanément.
« D’accord – lâcha-t-elle – fais ce que tu veux ». Sur ces mots, elle s’en alla. Elle ne le laissa pas paraître, mais je savais qu’elle m’en voulait. Une voix dans ma tête me soufflait qu’elle avait raison, mais je n’y fis pas attention. Après tout, ce que j’avais dit était vrai, non ? Elle n’avait rien à m’ordonner ! Elle pouvait à la rigueur me le suggérer, car je n’étais pas fermé à ses pensées… Mais me forcer à faire quelque chose ! Cela m’énervait plus que tout. Elle avait même promis de ne jamais le faire, c’était la condition pour qu’elle reste avec moi, elle dépendait de moi.
Mais à présent… A présent je n’avais plus envie qu’elle parte, je voulais qu’elle reste avec moi. Je ne voulais pas la heurter, mais il y avait des règles auxquelles elle devait obéir… Pas énormément, mais il y en avait. Par exemple elle ne pouvait pas m’interdire de déchaîner mes pulsions – dans la mesure où elle n’en était pas la victime, évidemment. Je ne voulais pas qu’elle devienne une de mes victimes… Je tenais à elle… Je tenais vraiment à elle. L’idée de lui faire du mal me révulsait. Et je restais là sans rien faire, le regard fixe, immobile, mes pensées déchirant çà et là mon esprit.

« Oh, oh – ricana une voix derrière moi – il semblerait que votre joli petit couple souffre de quelques difficultés, n’est-ce pas ? »
Je me retournai vivement pour faire face à cette arrogance quand soudain quelque chose s’abattit sur mes épaules et me fit poser genou à terre. Je compris vite qu’il s’agissait de la chaise d’Hob. Ce dernier me l’envoya à nouveau au visage avec toute l’énergie qui devait lui rester, jouissant d’enfin inverser les rôles. Ses yeux étaient rivés sur la dague que je tenais toujours fermement. Elle était à la fois sa meilleure chance et sa plus mauvaise. Soit il arrivait à s’en saisir, soit elle finissait dans son cœur. Il esquissa un geste pour me frapper à l’épaule et me faire perdre contrôle, mais je saisis la chaise au vol et la repoussai contre lui. A présent déstabilisé, il recula et fut à ma merci. Je ne tardai pas à le plaquer contre le mur, ma dague sous sa gorge. Il m’avait quand même bien eu, le salaud ! Il respirait fort mais ses yeux avaient toujours l’air aussi déterminés.
« Et bien je présume que ça valait le coup d’essayer – lança-t-il. Je sais que me tuer vas te plaire, tu es comme ça. Tu vas aimer me faire mal, comme tu aimes lui faire mal à elle, hein ? Tu aimes exercer ta supériorité masculine, pas vrai ? Ca te fait te sentir grand, toi qui es si jeune, toi qui n’es encore rien, ça te fait te sentir fort. Tu joues au coq de basse-cour, tu te donnes de grands airs. Jamais tu ne dois laisser ta dame te marcher dessus, jamais… Oh non, jamais… C’est bien ça ta façon de penser, hein ? » Cet excès d’effronterie me mit dans une rage incontrôlée. Sans un mot mais dans un geste vif, je vins clouer sa main gauche au mur, ma dague au centre de sa paume. Il hurla de douleur en se voyant ainsi fixé au mur. Il essaya de se dégager mais compris qu’il se faisait plus mal qu’autre chose et arrêta aussitôt. Le sang coula tout le long de son bras. Je le saisis par le col et lui mis une main sur la bouche pour le faire taire.
« Estime-toi heureux, je te garde en vie… » Et sur ces mots je retirai ma dague, le laissant tenir fermement sa blessure pour atténuer la souffrance et restreindre au mieux l’hémorragie. Il se laissa glisser en position assise, dos contre le mur, en respirant d’autant plus fort qu’auparavant à cause de sa plaie ruisselante. Je posais sur lui un regard méprisant.
« Alors c’est ça, hein ? – railla Hob à voix basse, tremblant mais les yeux toujours empreint du même sarcasme. Alors le beau discours que tu lui as tenu n’était que du bluff ? Elle risque d’être déçue… En tout cas toi tu me déçois. En réalité elle te domine, mon petit, elle te domine ! » Il s’arrêta une seconde pour pousser une exclamation de douleur à cause de sa main qu’il était en train de bander à l’aide d’un bout de sa chemise déchirée. « Dans peu de temps elle t’ordonnera de nettoyer les chiottes avec la langue, et tu t’exécuteras ! Ouvre les yeux ! »

Je lui balançai un coup de pied au visage. Je me mis à rugir : « Je te garde en vie parce je vais encore avoir besoin de toi en fait, tout bien réfléchi. Encore un peu. Mais à ta place je n’espèrerais pas vivre encore longtemps. » Ces mots prononcés, je ne pus m’empêcher de le saisir et de lui envoyer encore un autre coup. Je n’avais rien fait, ma rage avait agit à ma place.
« On verra bien – dit-il lentement – Pour l’instant ce ne sont que des mots. Des mots que tu jettes au vent pour te donner des airs cools, pour montrer comme tu es méchant. Tout ce que tu dis, ce n’est que pour te donner un genre. En réalité tu n’es rien. Tu ne tues que pour te donner une raison d’exister. Tue-moi si ça te chante. Je figurerai ainsi à ton illustre mais débile palmarès. Mais la seule qui te tue c’est elle. » Ses paroles me troublèrent et m’énervèrent d’autant plus, mais je me contentai de sortir de la pièce à la hâte. Le laissant dans sa souffrance, je fermai la porte à clé.

Sachant Lange dans la chambre, je partis m’enfermer dans la salle de bain. Je passai abondement de l’eau sur mon visage, le massant pendant une bonne minute. Curieusement, les mots prononcés par Hob dansaient dans ma tête d’une voix nasillarde. Ce n’avait été que provocation, il ne cherchait que ma fureur, c’était sa manière de se venger. Néanmoins il y avait une part de vérité. Elle ne me dominait pas mais elle me changeait. Indéniablement. La constatation coulait d’elle-même. Il y a encore peu de temps, j’aurais tué Hob sous ses yeux juste pour qu’elle comprenne que j’étais libre. Libre d’agir. Libre d’être moi. Libre de la traumatiser à chaque instant.
Mais effectivement non. Je devais avouer qu’après m’être énervé contre Lange, mon envie de tuer cet homme s’était envolée. Je n’arrivai pas à comprendre pourquoi. Peut-être avais-je simplement déversé ma fureur sur Lange et que cela m’avait apaisé ? Mais honnêtement je n’y croyais pas… Elle avait eu raison. Le tuer n’aurait servi à rien, il pouvait encore nous être utile.
Je profitais du fait d’être dans cette pièce pour prendre une douche. C’était peut-être la dernière fois que je me lavai avant un bon moment. L’eau froide s’abattait sur mon corps. L’altercation avec Lange me restait en tête. Je laissais mes paupières closes, j’étais exaspéré. Au sortir de la douche, je fus frappé par reflet dans le miroir. Je m’aperçus soudain d’à quel point j’avais changé. Mes traits se durcissaient. J’étais plus vieux. Mon image n’était plus celle d’un adolescent de mon âge. Mon corps portait le poids des batailles que j’avais enduré et provoqué, et mon visage était devenu consciencieux. Avec mépris je constatai que je ressemblais encore plus à mon père. Je n’avais aucune barbe, mais mes cheveux poussaient lentement, atteignant bientôt le bas de mon visage. Mes bras, mes pectoraux et mes abdominaux s’étaient musclés, mais étaient aussi parcouru de nombreuses cicatrices. Mais ce qui m’interpella le plus, ce fut mon regard. Il était froid, un peu vide, un peu mort, un peu blasé, mais sa fureur avait diminué. Etait-ce à cause de Lange ?
Je me tins le front quelques instants. Mes pensées s’embrouillaient, il était temps de les écarter. A présent l’heure était à l’action. Nous allions nous rendre sur la planète Reez, nous infiltrer dans la cachette secrète de nos pères et nous allions trouver des réponses ! Il fallait le faire. J’en avais besoin, et le plus tôt serait le mieux. J’avais préparé les affaires la veille, il ne restait plus qu’à s’en aller. Je sentais l’adrénaline circulant dans mes veines. J’étais impatient.

Je me revêtis et vins rejoindre Lange dans la chambre. Elle était assise sur le lit, les yeux dans le vide. Je devinai qu’elle attendait des excuses, mais ne lui en fis aucune.
« Alors, ça y est ? – lâcha-t-elle d’une voix dépourvue de toute émotion – tu l’as tué ?
- Non… » Cela m’ennuyait de devoir avouer que j’avais respecté son désir. « Finalement tu as raison, c’est inutile de le tuer. Hier tu m’as dit que tu ne savais pas si la planque de nos pères étaient protégées par un détecteur de chaleur, de mouvement, ou quoi que ce soit d’autre qui pourrait me repérer malgré mon invisibilité. Nous avons donc besoin de Hob pour le tester à ma place. Si l’un de nous deux doit mourir, autant que ce soit lui. » Elle blanchit.
« Mais… - balbutia-t-elle
- Allons… Nous n’avons pas vraiment le choix. Je sais que tu le veux vivant, mais je sais que tu voudrais encore moins que ce soit moi qui meurs. » Elle détourna le regard en direction du mur.
« Bien sûr que non je ne veux pas que tu meurs… - dit-elle dans un souffle.
- Tu conviens donc que c’est la seule solution ?
- Oui… Oui ! Tu as raison ! » Elle se releva subitement, fit un ou deux pas vers moi mais se ravisa avant de se retrouver trop proche. Certainement désirait-elle une quelconque forme d’affection, mais hésitait à venir la chercher. Si son corps était calme, elle débordait d’énergie au fond d’elle, elle trépignait, canalisait ses émotions. Elle resta figée ainsi quelques secondes, plongeant son regard dans le mien. Mais voyant que je ne m’avançais pas elle s’écarta et se retourna. Je fis comme si de rien n’était et saisis le sac d’arme que j’avais laissé dans la pièce.
« Nous devons y aller, maintenant – lui dis-je d’un ton sans émotion. Le plus tôt est le mieux. Plus vite nous avancerons, plus vite toute cette histoire sera terminée. »

Elle hocha la tête. Elle avait l’air triste. Peut-être ne pouvait-elle pas croire en ces paroles. Cette histoire pouvait-elle se terminer ? Personne ne pouvait y croire. Je n’y croyais pas non plus.


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